Avertissements (TW) : violence verbale, homophobie.

Pierre habite à Lomé, la capitale du Togo. Depuis quelques mois, Pierre communique avec nous et collabore à différentes initiatives en tant que bénévole. Dans ce témoignage rempli d’espoir, Pierre nous invite au cœur de ses réflexions et de ses rêves. Jusqu’où la pression sociale nous influence-t-elle? Devons-nous dire adieu à nos rêves simplement pour correspondre aux standards? Et qu’en est-il lorsque l’on doit à tout prix cacher son orientation sexuelle?

Déjà tout petit, moi, je savais ce je voudrais devenir. Depuis la classe de cm2, à l’âge de 10 ans, j’ai commencé par dessiner des croquis de mode. J’aimais trop faire ces dessins. Je m’intéressais tellement à la mode que je passais tout mon temps libre à dessiner, à ce point même où je dessinais des modèles à ma sœur qu’elle se faisait coudre.

Je savais que j’allais devenir créateur de mode.

Ainsi, après l’obtention de mon BEPC, plus ou moins l’équivalent de la fin de l’école secondaire au Québec, j’ai voulu commencer l’école de stylisme mais mes parents m’en ont dissuadé. Ils m’ont dit d’obtenir le bac en me laissant croire que je pourrais commencer la formation de stylisme après. Alors, j’ai travaillé dur pour obtenir mon baccalauréat. Je l’ai obtenu.

Alors, il était temps de réaliser mon rêve de commencer la formation! À ma grande stupéfaction, mon père s’est opposé à mon choix. Il a cherché à me convaincre de débuter une formation universitaire. J’étais embrouillé et mélangé dans la tête.

Ce qui m’a marqué jusqu’à ce jour, ça a été les propos d’un de mes grands frères. Il m’a approché et a commencé à poser des questions concernant ce que je voudrais faire après mon baccalauréat, bien qu’il sache déjà ma réponse.

Lorsque je lui ai répondu que je voulais devenir styliste, les premiers mots qui sont sortis de sa bouche ont été : « Pierre, ce métier, c’est pour les pédés. Pourquoi tu voudrais le faire? Tout le monde dira que tu es pédé. Tu devrais penser à faire autre chose. »

Ces paroles m’ont démoli. J’étais complètement démoralisé.

Vu que je voulais dissimuler mon homosexualité, je me suis dit qu’il avait peut-être raison.

Comme j’avais peur que les gens finissent par savoir que j’étais gai, alors j’ai abandonné l’idée de devenir styliste. J’ai fini par suivre leur proposition concernant la formation universitaire qu’on voulait que je fasse.

Malgré tout, j’ai toujours continué à dessiner jusqu’à ce jour, car la mode c’est un don pour moi.

Aujourd’hui, si je pense à tout cela, je regrette beaucoup. Je me dis que j’ai été lâche, que je n’ai pas eu le courage de défendre ce que j’aimais.

Je n’aime plus trop penser à ce passé regrettable. 

Aujourd’hui, je voudrais rattraper le temps perdu, alors je pense m’inscrire dans une école de stylisme pour suivre enfin cette formation malgré que l’âge soit déjà avancé.

Ce que j’aimerais passer comme message dans ce témoignage, c’est de ne jamais laisser personne nous priver de notre rêve, car ce sont nos rêves qui nous définissent. Que nous soyons dans la communauté LGBTQ+ ou pas, nous devons être fiers de ce nous sommes et tout faire pour défendre notre rêve.