Avertissements (TW) : sérophobie, homophobie, suicide.
Pierre habite à Lomé, la capitale du Togo. Depuis quelques mois, Pierre communique avec nous et collabore à différentes initiatives en tant que bénévole. Dans ce témoignage, Pierre évoque l’histoire de son cousin et la tragique réalité qui entoure le VIH/Sida dans les communautés LGBTQ+ du Togo. Par ses mots et grâce à son courage, Pierre nous ouvre la porte sur le cauchemar auquel doivent faire face les personnes qui ont le malheur d’être atteintes par ce qu’il appelle « punition divine ». Découvrez le cri du cœur qu’il envoie aux membres des communautés LGBTQ+ partout sur la planète.
Le simple fait d’apprendre cette nouvelle terrifie plus que la maladie elle-même.
Comme c’est le cas dans plusieurs pays du monde, le risque d’être contaminé par le VIH/Sida est 4 à 6 fois plus élevé dans la communauté LGBT que dans la population générale, au Togo. Le plus triste dans cette histoire, c’est que le mal persiste toujours alors que de plus en plus de personnes homosexuelles sont infectées par le virus.
Pourquoi cette situation ?
Voilà les raisons, et mon expérience personnelle.
La peur d’apprendre que l’on est séropositif nous tue plus que la maladie elle-même car cette crainte nous empêche d’aller nous faire dépister. Cette peur est entraînée par l’idée de devoir affronter les autres si jamais on était séropositif. En fait, être séropositif, c’est horrible, mais le pire, c’est d’avoir contracté le VIH suite à des rapports sexuels homosexuels.
Le VIH est perçu comme une punition divine, une conséquence découlant de l’homosexualité, qui est considérée comme une pratique contre nature. Alors, dans certaines familles, il vaut mieux que le malade meure, car vivre avec le VIH/Sida, c’est une honte qui risque de salir l’image de la famille.
Voici la triste histoire d’un cousin dont j’ai été témoin.
À ce moment, j’étais encore très jeune, c’était dans les années 2005 et je ne comprenais encore rien en ces temps. C’est en grandissant que j’ai fini par comprendre ce qui lui était vraiment arrivé.
Mon cousin était coiffeur pour femmes. C’était quelqu’un qui excellait dans son domaine car il faisait très bien son travail. Il était homosexuel.
À un certain moment, il est tombé gravement malade et, après les analyses, on s’est rendu compte qu’il était séropositif. Vous n’imaginez pas ce qu’il a pu vivre.
Il a été humilié.
Chaque jour, c’était des reproches désobligeants. Il était chaque instant mis devant ses défauts. Tout le quartier était au courant de sa maladie. Du coup, il était chaque temps cloué dans sa chambre.
Bien qu’il suivait régulièrement les traitements, moralement il était dévasté car il n’avait aucune affection morale en ces moments difficiles de sa vie. Le pire, c’est qu’il avait perdu tous ses clients à cause de la maladie. Du coup, il avait également des soucis financiers.
Cette épreuve durait tellement que mon cousin n’en pouvait plus.
Malheureusement, un matin, il a été retrouvé sans vie dans sa chambre. Il avait avalé plusieurs cachets de ses médicaments et était décédé suite à une intoxication.
On nous a dit qu’il était décédé du Sida, mais en réalité, il est décédé suite à une forte dépression entraînée par le traitement horrible que lui a infligé son entourage dû à son homosexualité.
Voilà.
Voilà ce qui continue encore à arriver à plusieurs personnes homosexuelles dans les mêmes conditions que mon cousin. Le simple fait d’imaginer ce qu’elles pourraient traverser empêche de nombreuses personnes dans la communauté LGBT d’aller se faire dépister, ici à Lomé.
En effet, laisser cette peur nous envahir ne constitue en aucun cas la solution. Refuser de se faire dépister à cause de la peur augmente encore plus les risques de s’exposer au VIH/Sida de nombreuses fois. Quand on ne se fait pas dépister, on risque notre vie ainsi que celle des autres.
Être gay à Lomé est déjà une difficulté pour nous, alors essayons de nous protéger les uns les autres à l’intérieur de la communauté. C’est une preuve de solidarité.
Si nous sommes rejetés à l’extérieur, aimons-nous à l’intérieur en faisant le dépistage du VIH/Sida.
Soutenons par tous les moyens les personnes séropositives dans la communauté LGBT à Lomé! À bas la discrimination dans la communauté! Nous avons le choix de décider de notre futur, alors pour que ce futur soit radieux, agissons maintenant contre le VIH/Sida dans la communauté LGBT à Lomé et partout ailleurs dans le monde.
Pour toute question ou préoccupation en lien avec le VIH, les moyens de préventions ou pour trouver un endroit où vous faire dépister, n’hésitez pas à contacter les ressources suivantes.
Ressources au Québec :
Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le Sida
Ressources en Afrique :
Afrique Arc-en-ciel (AAEC) (Togo)
Plateforme ELSA – Centre de ressources francophones sur le VIH/Sida en Afrique